Il arrive
que les salariés d'une quelconque agence de M. Etat se livrent à une activité illégale et soient, à la suite
d'une étourderie ou d'une rivalité entre services, pris la main dans le sac.
Dans les
heures qui suivent, le Président et ses commis s'en vont dans les studios de
télévision pour clamer haut et fort qu'ils n'étaient pas au courant, qu'il ne
s'agit que d'initiatives individuelles malencontreuses, puis ils annoncent qu'a
été muté en Terre Adélie l'indigne coupable (qui agissait à l'insu de sa
hiérarchie) – un sous-chef de service ou un planton dépourvu de relations.
Les
partisans du Président se réjouissent que toute la lumière ait été faite sur la
faute de louches subalternes, les opposants ricanent, puis arrive un évènement
plus important (histoires de joueurs de ballons, chagrins d'amour de
starlettes, manifestations au Zimbabwe...) et l'affaire disparait paisiblement des medias et des conversations au
bistro du coin – son souvenir même s'est effacé.
C'est une
toute autre comédie que nous jouent aujourd'hui les plus hautes autorités de l'Etat.
Rappelons
les faits.
Une faute de
frappe d'une sémillante stagiaire fit apparaître sur le smartphone d'un journaliste d'investigation divers documents destinés à une officine
ministérielle, et le peuple souverain (qui lit les journaux, écoute la radio, regarde
la télé, bavarde avec sa concierge) apprit bientôt qu'un ancien Président avait
été espionné avec une rare ardeur par
une multitude d'argousins et de magistrats,
qui avaient mis sur écoute ses
téléphones, ainsi que ceux de son avocat, de son coiffeur, et d'un vieil oncle
alzhémérien.
Dans les
heures qui suivirent, une nuée de jurisconsultes salariés de M. Etat et
d'éditorialistes de gazettes subventionnées, démontrèrent, en citant lois,
décrets, réglements, codes de procédure, jurisprudences et bulles papales, que
ces écoutes étaient rigoureusement légales, et même nécessaires à l'exact exercice d'une saine justice.
Autrement
dit, les espions avaient agi en respectant la légalité, et les plus sacrées
valeurs républicaines.
De cet
espionnage, il semble très-normal qu'en aient été informés les chefs des
poseurs de micros et autres bidules électroniques, parce qu'il est du devoir
d'un chef de savoir ce que font ses subordonnés, sans même évoquer cette
humaine curiosité qui fait de toute découverte de secrets d'autrui un délicieux
plaisir, plaisir qui, en l'occurrence, avait le mérite (je dois le répéter)
d'être parfaitement conforme à toutes les lois passées, présentes et futures.
Ici, le
plus rigoureux critique considérera que nul crime, délit ou contravention n'a
été commis, et que nul reproche ne peut être fait aux plus hautes autorités.
Mais coup de
théatre!
Descendant
de l'Olympe où les ont placés le suffrage universel, la chance et leur
cupidité, le chef des policiers et la chefesse des magistrats se sont
précipités devant micros et caméras pour jurer leurs grands dieux (croix de
bois, croix de fer, si je mens...) qu'ils ne savaient rien, n'étaient pas
informés et ignoraient tout des légales et légitimes actions de leurs employés,
le Président lui-même laissant entendre par des sources autorisées que ... de minimis non curat praetor.
Pour
l'anecdote, relevons que la dame chefesse a brandi à l'appui de ses dénégations
une liasse de documents prouvant exactement le contraire de ses dires –
vengeance d'un conseiller humilié, ou volonté délibérée de faire rire un peuple
maussade, je ne trancherai pas.
Longtemps,
les politologues débattront, les uns verront dans l'attitude du Président et de
ses commis l'une de ces gaffes qui, comme l'invite à Leonarda ou les échanges
de concubines, naissent du stress provoqué par de lourdes charges, d'autres
soupçonneront une très-subtile manœuvre à trois bandes dont la finalité est
réservée aux initiés, certains penseront que si fut naguère interdit certain
spectacle comique, ce ne fut que pour éliminer la concurrence.
Révéler, un mot à usage asymétrique :
RépondreSupprimerIl y a quelques jours : "Mais, que nous révèlent ces enregistrements de Buisson sur l'Etat sarkoziste ?"
Maintenant : "Mais, que vont révéler les écoutes de la Justice d'Etat sur Sarkozy ?"
Amike