Cette nuit,
il faisait jour.
La voûte
céleste était illuminée par les torches que brandissaient en défilant, dans les
rues de mon village, sur les routes serpentant entre les bois et les chemins
zigzaguant au creux des vallons, les hordes fascistes hurlant des slogans effroyables,
marchant le bras levé pour insulter au firmament et au vivre-ensemble, et
brandissant des gourdins hérissés de clous rouillés.
Ces
hordes existent, elles ont été vues, dénoncées, anathémisées par le ministre de
la police, et sans doute le Président lui-même les eût observées, s'il n'avait
été occupé aux soins d'un ménage qu'il doit désormais effectuer en célibataire.
Ai-je peur ?
Dans quelques heures, la masse de ces brutes
dont le cerveau reptilien ne peut envisager que massacres et destructions
viendra, aux portes de la ville capitale, s'affronter au rempart que formeront
les corps des intellectuels germanopratins et des associatifs humanitaires, il
est à craindre que l'assaut ne puisse être repoussé, car la force injuste
triomphe parfois de la parole bienveillante, alors, l'horreur s'étendra sur le
pays de la douceur de vivre...
La liberté
d'expression, cette fleur fragile préservée avec tant d'amour par le
présent gouvernement, sera d'abord abolie, et seuls gens de lettres et de
medias bien en cour auront la possibilité de s'exprimer, l'économie,
c'est-à-dire ces échanges entre êtres humains qui, jusqu'à cette aube fatale, se
pratiquaient sans être entravés par la moindre règlementation, sera désormais
soumise à de multiples contraintes exprimées en lois, décrets, ordonnances,
l'école elle-même, ce lieu studieux d'apprentissage d'un savoir que ne
biaisaient nuls préjugés, ne sera plus qu'un enseignement d'idéologies
fanatiques et en seront bannies toutes ces connaissances hier encore transmises
avec une bienfaisante ardeur, telles que l'orthographe, le calcul ou l'histoire.
Je n'ai pas
peur –je suis terrifié à la pensée que, ce soir peut-être, cette terre où l'on
chérissait le souvenir de tant d'humanistes au cœur compatissant –Robespierre,
Lénine, Che Guevara et autres héros de la Fraternité – et dont les habitants ,
nourris par une manne tombée de lointaines galaxies, chantaient,dansaient,
aimaient sans souci d'un lendemain
nécessairement radieux, que cette terre puisse être livrée à des hommes en dehors de l'humanité, dont la cruauté fera taire jusqu'au chant des petits
oiseaux.
Voici venu
le temps de la fin des temps, nulle arche pour nous accueillir, et il ne reste
qu'à périr...—ah! si le ministre de la police avait pu se départir de sa
naturelle indulgence et oser dissoudre
les groupuscules et essoriller le Mbala mbala, comme règneraient encore
paix et harmonie!
Ne pensez-vous pas qu'une apparition, la tête dument casquée, du foudre de guerre que la providence a placé à la tête de notre cher pays serait de nature à semer la panique dans les rangs des hordes fascistes et de provoquer leur débandade sauvant ainsi la civilisation à l'amélioration de laquelle il se dépense sans compter ?
RépondreSupprimerC'est le seul et faible espoir qui me reste !
Le chef, en démocratie, reste à l'arrière des troupes.
RépondreSupprimerBravo ! Bravissimo ! Encore !
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