Aux esprits
chagrins et misanthropes bilieux qui tiennent des propos défaitistes et
marmonnent entre leurs dents jaunes et cariées que les affaires ne vont pas très bien , apportons une consolation, un
rai de lumière tombé d'un palais gouvernemental.
Une
pétulante sous-ministresse chargée de la Culture-d'Etat et du maternage de trop
fragiles artistes et intellectuels a vigoureusement réagi à une imaginaire
menace pouvant affecter ses protégés,--" Eh quoi, s'exclama-t-elle,
oser toucher à nos industries culturelles, ces industries qui nous apportent gloire et
honneur, et même, et surtout, un si méritoire pourcentage de notre cher PIB
!"
Tiré d'un
chapeau de chercheur, le pourcentage fut fourni, il était rondelet, réjouissant
comme un ventre de notaire, égalant, en importance
économique, musique et peinture sans pinceaux à l'industrie automobile (
que les Chinois feront mieux rouler ) , le textile (encore trop made in Bangla
Desh) et autres secteurs d'activités cahotantes.
De ces
industries de l'esprit, le cinématographe est, par sa nature technique, le
domaine qui requiert les plus lourds investissements et, ipso facto pour une
sous-ministresse, apporte les plus grassouillets bénéfices.
Par une
heureuse coïncidence, Le Film Français,
le premier hebdomadaire des professionnels de l'audiovisuel, publie cette
semaine son classement annuel par taux de
rentabilité de cent cinquante films français sortis en salles en 2013.
Ce taux de
rentabilité est le pourcentage du coût de production d'un film réalisé par les
recettes-salles ( les billets vendus aux spectateurs, quand il y en a), et l'on
pourrait imaginer qu'un film couvre ses frais quand ce taux de rentabilité est
de cent pour cent – erreur.
En fait,
explique le Film français,on peut
considérer qu'un film réalise une
performance honorable avec un taux de rentabilité de 25 à 30 %. Voilà qui
est loin de couvrir les coûts, mais il y a d'autres recettes (ouf!), comme les
ventes de droits de diffusion à une chaîne de télévision ouzbek ou ceux de
l'exploitation vidéo à une entreprise gabonaise, les films français étant
curieusement absents des marchés plus opulents.
Mais enfin,
avec ces 25% (soyons généreux), les producteurs peuvent être satisfaits, nous apprend-on, c'est là
l'essentiel.
Combien
sont-ils, ces bienheureux ? Sur ces cent cinquante films vingt-neuf ont atteint ou dépassé ces 25% (et, disons-le tout de suite, seulement deux les 100%...), ce qui fait que ... cent vingt et un n'ont pas réussi cette honorable performance. Et même, ce
cent-vingt et un est inférieur à la réalité, car le Film français ne cite, par manque de place, que les cent cinquante
films au taux de rentabilité le plus élevé (sic), il en a été en fait produit
environ deux cent dix, et comme le dernier des cent cinquante a un taux de
rentabilité de 2, 25%, nous
supposerons que les soixante suivants ont empoché des recettes proches de zéro.
Vil
sophiste ignare des choses de l'économie!, m'objectera-t-on, il suffit que les
premiers aient réalisé, en volume, des recettes supérieures au total des pertes
des derniers pour que le secteur soit, en son ensemble, florissant. Hélas,
hélas, dans les premiers figurent exactement cinq films d'un budget supérieur à dix millions d'euros, et dans
les derniers, dix-sept films de ce
coût, dont tous les films dont le
budget dépassait les vingt millions.
Pour
résumer, la très grande majorité des films à performance honorable sont des films à petit buget, qui couvrent
leurs frais avec des recettes modestes, tandis que les perdants sont des films
à gros budgets et pertes proportionnelles, globalement, cela fait un gros trou.
Donc, le
cinéma français perd de l'argent
(beaucoup ) et pourtant, je ne trouve pas, dans ce même Film français que je lis chaque semaine depuis un demi-siècle,
d'annonces éplorées de faillites, banqueroutes et clef sous la porte, au contraire,
le cinéma français prospère, et du producteur au balayeur de plateau en passant
par les histrions et les perruquières, tout son personnel vit fort bien.
Il y a là un petit secret , qui se nomme,
pour une part, subventions, grasses ,
nombreuses, même, pour certaines, automatiques
(i-e : distribuées sans discernement), et pour la plus grande part , obligations de production des chaînes,
c'est-à-dire que les entreprises de télévision sont contraintes, par une loi
clientéliste, d' investir (sic et
resic) un part coquette de leur chiffre d'affaires dans la production de films
français, ce qui est plus exactement un impôt, prélevé démocratiquement au
profit de quelques individus.
Systéme
heureux pour ceux et celles qui en profitent, mais qui, consistant seulement à
dépouiller Paul pour engraisser Pierre, n'est d'aucune façon producteur de
richesse.
Systéme heureux pour ceux et celles qui en profitent, mais qui, consistant seulement à dépouiller Paul pour engraisser Pierre, n'est d'aucune façon producteur de richesse.
RépondreSupprimerPas plus que de talents d'ailleurs. Et c'est finalement ça le plus ennuyeux.
Sur ces 210 films, j'en ai vu un, Jappeloup, qui est dans la bonne moyenne du genre médiocre.
SupprimerHallucinant !
RépondreSupprimerAuriez vous un lien internet qui me permettrait d accéder à ce classement rentabilité 2013?
RépondreSupprimerMerci
Non, cher Corto, les "liens internet" me sont étrangers, et je ne lis que des journaux imprimés sur papier.
SupprimerSur "internet", à l'exception des amis cités ici à droite, je parcours et survole, de loin...