"Descendez les flics
Camarades
Descendez les flics (...)
Feu sur Boncour Frossard Déat
Feu sur Léon Blum
Feu sur les ours savants de la
social-démocratie."
(Front rouge, 1931)
Ces vers
élégiaques sont du blasonnant chantre du Con
d'Iréne et des Yeux d'Elsa, Louis
Aragon , qui insinuait alors auprès de ses amis qu'il était, non le fils du
plébéien préfet Andrieux, mais d'un mystérieux et très- noble lord.
La muse qui
l'inspira ne fut pas une rivalité littéraire avec cet autre fin poète, et
théoricien du mariage (libre) dans
l'essai de ce nom, que fut Léon Blum, ce fut pour gagner, après quelques
brouilles confuses, toute la bienveillance de Joseph Staline et du Komintern,
qui vomissaient alors le littérateur devenu l'un des chefs de la S.F.I.O., et
donc social-traître et vipère lubrique.
Homme de droite, le garde des sceaux
Léon Bérard (ne pas le confondre avec son homonyme Victor, original éditeur et
admirable traducteur de l'Odyssée),
s'empressa de voler au secours des hommes
de gauche menacés par des vers assassins, et décida de faire intenter des
poursuites judiciaires contre Louis Aragon.
Aussitôt,
André Breton rédigea un tract de
soutien pour le subtil auteur de Hourrah
l'Oural et l'adressa aux plus éminents hommes de lettres de ce temps, afin
qu'ils y apposassent leur signature.
De grosses
tempêtes secouérent les parois de célèbres crânes.
L'embarras
fut surtout grand à la NRF, dont la
petite troupe aimait à jouer au directeur de conscience, Gide, après bien des
débats intérieurs, reprocha à Roger Martin du Gard de vouloir signer, tandis
qu' Edmond Jaloux écrivait sa propre protestation, où il comparait Front rouge à Madame Bovary et aux Fleurs
du mal, ce qui fut jugé excessif.
Il y eut
des réunions, des conciliabules et des allées et venues, le pour et le contre
furent pesés – et personne, parmi les gens de lettres sollicités, ne signa le
tract d'André Breton.
Mais..., en
ce temps les écrivains avaient des relations,
et ils intervinrent auprès du directeur de la Sûreté pour que fussent arrêtés
des poursuites auxquelles Léon Blum avait eu l'élégance de refuser de
s'associer ; ils eurent gain de cause, et Louis Aragon ne fut pas traîné en
correctionelle.
Autre temps
autres mœurs, aujourd'hui une association subventionnée, créée par ce parti
même dont Louis Aragon fut la gloire, s'acharne à faire condamner en justice
tout auteur de propos dissidents, qui ne sont pourtant pas des appels au meurtre.
Excusez-moi Michel, mais il semble que vous ne saisissiez pas bien ce qui sépare l'appel au meurtre-juste ou l'extermination-juste de leur contreparties qui ne le sont pas (justes). D'autre part, tout démocrate sincère sait qu'un propos politiquement incorrect est plus grave qu'un appel au meurtre-juste.
RépondreSupprimerJe note en outre qu'en ce beau jour citer M. Aragon est très tendance (voir commentaires de mon billet d'hier).