Je reçois
ce matin un ouvrage rare -- il s'agit de L'entremetteuse , roman de Léon Daudet (mon exemplaire est l'un des
vingt Hollande de l'édition originale, auquel est jointe une lettre autographe
de l'auteur, le tout m'ayant coûté un prix désespérément bas...), roman qui fit
par son sujet, lors de sa publication en 1921, un tel scandale que l'auteur le
fit lui-même retirer de la vente.
Cela
explique que l'ouvrage soit peu connu, ainsi que sa dédicace :
" A
MARCEL PROUST
MAITRE DE L'INTROSPECTION
HISTOLOGISTE DE LA VIE INTERIEURE
Son vieil ami ,
Léon DAUDET "
Je ne
m'étendrai pas sur le fait que l'année précédente Marcel Proust avait dédié Le Côté de Guermantes au même Léon
Daudet ( "... à l'auteur ... de tant de chefs-d'œuvre, à l'incomparable
ami, en témoignage de reconnaissance et d'admiration"), ni sur le rôle
déterminant que ce dernier joua dans l'attribution, en 1919, du prix Goncourt à
A l'ombre des jeunes filles en fleurs, mais citerai ces lignes d'un
article de Marcel Proust, écrit à la fin de 1919 ou au début de 1920 , non
publié et retrouvé après sa mort dans l'immense fouillis de ses papiers:
"Ne
pouvant plus lire qu'un journal, je lis, au lieu de ceux d'autrefois, L'Action française. Je peux dire qu'en
cela je ne suis pas sans mérite. La pensée de ce qu'un homme pouvait souffrir
m'ayant jadis rendu dreyfusard, on peut imaginer que la lecture d'une
"feuille" infiniment plus cruelle que Le Figaro [dont Proust fut un collaborateur zélé...] ou Les
Débats, desquels je me contentais jadis, me donne souvent comme les
premières atteintes d'une maladie de cœur. Mais dans quel autre journal le
portique est-il décoré à fresque par Saint-Simon lui-même, j'entends par Léon
Daudet? Plus loin, verticale, unique en son cristal infrangible, me conduit
infailliblement à travers le désert de la politique extérieure, la colonne
lumineuse de Bainville. Que Maurras, qui semble détenir aujourd'hui le record
de la hauteur, donne sur Lamartine une indication géniale, et c'est pour nous
mieux qu'une promenade en avion, une cure d'altitude mentale."
Dans une
lettre à J. H. Rosny aîné de décembre 1919, Marcel Proust écrit :
" Mes
opinions politiques (...), j'ai signé la première de toutes les listes en
faveur de Dreyfus, j'ai été un dreyfusard ardent,envoyant mon premier livre à
Picquart dans sa prison du Cherche-Midi."
C'est là,
certes, un estimable engagement, et l'on comprend que Proust tienne à le
rappeler, et il le fait fort souvent, en précisant que néanmoins il ne fut
jamais "ni anticlérical, ni antimilitariste", mais c'est un
engagement ancien, c'est pourtant,
deux bonnes décennies plus tard, la seule opinion
politique qu'il avouera jamais.
Et sur ce
sujet, il n'y a rigoureusement rien d'autre à dire.
Un garçon qui n'affiche pas ses opinions politiques, qui peut-être, même, considère cela comme trop superficiel pour être abordé, ce garçon-là ferait un fort mauvais blogueur de gauche.
RépondreSupprimerProust et l'Action française:
RépondreSupprimerhttp://youtu.be/HFvNyhkevZw