De toutes
les inepties solennelles professées, et radotées, par les critiques universitaires,
l'une des plus plates, et donc des plus répandues, est " X. (Proust,
Céline...) a, avec Y. ( La Recherche,
le Voyage...) ouvert des voies
nouvelles au roman".
Eh non, X. (Proust,
Céline, ou quelque autre génie) a ajouté un monument
nouveau à la littérature – ce n'est pas la même chose.
L'ouverture de voies suggére qu'est
désormais tracé, balisé, un chemin où n'importe quel auteur va s'engouffrer
pour écrire un texte dans la continuité
de X., en profitant de ce que celui-ci a apporté d'original, ou de rupture avec
des formes traditionnelles , mais l'oeuvre qui a surgi, solitaire, au-dessus de
la masse est non seulement irréductible
à l'imitation, mais trop unique pour engendrer de dignes héritiers.
Ce que fait
cette oeuvre, c'est déplacer le regard non du lecteur mais du cuistre
commentateur qui, de tout ce qui se publie, ne voudra plus voir que ce qu'il
croit être né de l'existence (et de
la gloire...) des œuvres de X., après lesquelles il ne serait "plus possible d'écrire comme avant", sans voir que, dans la vaste masse
négligée, le roman continue d'être, en son immense majorité, ce qu'il avait
toujours été –des personnages, et une intrigue.
Roman dont le
principe a été posé très anciennement, et correctement exploité dès Cervantès,
et dont les essentielles possibilités créatives se trouvent pleinement
utilisées au XVIIème siécle chez Sorel (Francion),
Scarron (Le roman comique) ,
Furetière (Le roman bourgeois) et Mme
de La Fayette (La princesse de Clèves) -- du roman de mœurs au roman psychologique,
tout y est, après, c'est affaire de talent, de grand talent, ou plus encore
(rarement, mais alors, avec quel éclat!).
Ce qui
change au fil des siècles, c'est le milieu où vit l'auteur –la société, les
mœurs --,ce qui lui permet d'aborder
différemment , plus directement, plus crûment, certains aspects de son histoire
(et pousse sans doute à en celer d'autres).
Quelques
lectures ( sur Proust, hélas, pour
qui les proustiens universitaires
n'ont ni respect ni amour, et le Journal,
inédit, d'un admirable écrivain) m'ont conduit à ces réflexions, elles sont
hâtives, et je sais que pour les rendre défendables, il me faudrait plus les
développer, montrer, exemples à l'appui, le déplacement
de niveau du roman "distingué" ou dit "littéraire", et du
roman-feuilleton, du roman de gare, du roman à l'eau de rose, il en
ressortirait que ne change que le périmètre des catégories de la critique – mais les limites que j'impose à mes
billets m'interdisent ici une telle étude, puis il fait beau, et je vais aller
surveiller la pousse du muguet (qui est en
avance).
Intéressante, si partielle, réflexion. Une de plus !
RépondreSupprimerLe problème, hélas, est qu'il y a autour de nous plus de cuistres que de cuisses.
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