Le 4 août 1789, à Versailles, se réunirent les
députés des Etats-Généraux, abusivement
proclamés par leur propre autorité usurpée Assemblée
Nationale.
Il était
huit heures du soir, ces députés
venaient de longuement dîner, et de boire très copieusement.
J'emprunte
le récit de cette fameuse et avinée séance à l' Histoire de la Révolution de France pendant les dernières années du règne de Louis XVI ( Paris, 1801,
10 volumes ) par Antoine-François Bertrand de Molleville ( 1744-1818) qui fut
ministre de la Marine en 1790.
Dans un
enthousiasme bacchique exprimé en d'innombrables discours , parmi lesquels on
peut distinguer ceux du vicomte de Noailles , plein de tendresse pour "ce
bon peuple" , ou du duc d'Aiguillon , dont " l'éloquence [fut] si
pathètique et si efficace que l'assemblée, émue jusqu'aux larmes, se livra
toute entière aux délire des sacrifices", les motions succédèrent aux
motions.
"-- Catulle
n'avait qu'un oiseau, dit alors avec attendrissement, un des députés de la
noblesse [ M. de Virieu, qui fut guillotiné], et il ne put offrir que son
oiseau. Je n'ai pas d'avantage, et j'en fais l'abandon; les pigeons sont
nuisibles à l'agriculture, il convient de les détruire.
"Et
cette motion, en forme de madrigal, fut adoptée à l'unanimité."
Quand tout
fut voté, dans un tumulte qui empêchait que fût vraiment entendu ce qui était
voté, M. de Lally-Tollendal [ qui, jeté en prison, échappa par miracle aux massacres de septembre ] se leva et, avec son éloquence coutumière, termina un
long discours par cette péroraison :
"—C'est au milieu des états-généraux que Louis XII a été proclamé père du peuple; je propose qu'au milieu
de cette assemblée nationale , la plus auguste, la plus utile qui fut jamais,
Louis XVI soit proclamé le restaurateur
de la liberté française.
"Cette
proclamation, écrit M. Bertrand de Molleville, fut faite au même instant, avec
les plus vifs transports, par l'assemblée et par tous les spectateurs. La salle
retentit, pendant plus d'un quart-d'heure, des cris de vive le roi! Vive Louis XVI, le restaurateur de la liberté française! Enfin, il fut arrêté qu'une
médaille serait frappée , pour perpétuer la mémoire d'un aussi beau jour, ou
plutôt d'une aussi belle nuit : car il était deux heures après minuit lorsque
l'assemblée termina cette fameuse séance , où tous les droits, toutes les
propriétés du royaume fuent bouleversés, où des institutions aussi anciennes
que la monarchie, consacrées par tant de siècles de respect, furent anéanties
en un clin d'œil."
Quant à
l'archevêque de Paris [ Antoine Leclerc de Juigné ], il proposa, quand furent
décrétés tous les articles détruisant noblesse et clergé, " qu'un te Deum
serait chanté dans la chapelle du roi, en présence de sa majestè et de tous les
membres de l'assemblée nationale. S'il y a peu de mérite à rendre graces à
l'Etre Suprême du bien qu'il nous fait, il faut un grand fond de piété pour le
remercier aussi du mal qu'il nous envoie, et sous ce rapport la proposition de
l'archevêque de Paris ne pouvait être que très édifiante. Aussi fut-elle adoptée
nemine contradicente. "
Il a mauvais esprit, ce Monsieur de Motteville, et je l'en félicite. Un tour sur Petitepedia m'apprend qu'il a tenté de faire évader le roi, avant d'émigrer lui-même, ce qui achève de me le rendre sympathique.
RépondreSupprimerLa notice que lui consacre Pierre Larousse dans son Grand dictionnaire (républicain) est tellement haineuse qu'elle en est comique.
RépondreSupprimerMotteville a aussi écrit des Mémoires, que je n'ai pas ( et pas faciles à trouver).