Le
vendredi , parfois le samedi selon l'ensoleillement, je quitte le XVIIIème
siécle où je me plais habituellement à demeurer, pour aller faire un tour en
l'an 2013. Cette excursion, dont la durée varie de neuf à vingt-cinq minutes,
consiste à saisir les cinq numéros de la semaine du journal nommé Les Echos ( en repos les samedi et
dimanche ) puis je me livre à une opération de tri.
Cette gazette, propriété de l'un de ces
matois affairistes qui doivent l'origine de leur fortune à l'extrême
bienveillance de hauts-énarques, se présente sous la forme de deux cahiers, le
second étant seulement inséré dans le premier, donc détachable.
Ce premier cahier est consacré aux nouvelles
politiques et sociales, qui ne sont pas d'une actualité brûlante , puisqu'elles nous apprennent, comme la semaine
dernière et celle d'avant etc. , l'arrivée de nouvelles lois d'une inspiration
uniment policière et de nouveaux impôts réservés aux riches, la distribution de prébendes et privilèges à diverses
catégories d'électeurs, la prochaine
réforme des retraites, du baccalauréat et sans doute du calendrier, sans
oublier les futilités routinières – couinements de l' opposition (sic ),
assortiment de chasses aux sorcières, massacres intolérables dans diverses contrées exotiques, apothéose de
l'exception culturelle et suppression de toute distinction entre les sexes (
avec toutefois un petit avantage pour celui qui vient de Vénus ). Comme j'ai déjà lu ces informations ( et même les
ai utilisées pour un roman ), je jette dans la corbeille à papier ces premiers
cahiers, sans les honorer du moindre regard.
Le second cahier s'intitule Entreprises et marchés , ce qui suppose
qu'il s'occupe d'hommes et de femmes qui travaillent et produisent ; il le fait
effectivement, avec une platitude d'expression plutôt reposante et j'apprends
ainsi que, dans les rares interstices de liberté que l'Etat , omniprésent également dans ces pages, laisse subsister, il
existe encore quelques hommes et femmes qui produisent des biens que d'autres
hommes et femmes semblent disposer à acquérir volontairement, mais l'on sent,
entre les lignes , que cette anomalie, n'a pas vocation à être pérenne.
Je trouve aussi dans ces feuillets quelques
titres rigolos, ainsi : " Il faudra 63 ans pour liquider les 266 milliards
d'euros regroupés dans Dexia ". Mais l'article ne m'apprend pas pourquoi 63 ans, ni donc pourquoi l'an
2076 a été choisi pour que M. Dexia tende à ses créanciers un dernier chèque,
en déclarant, avec un bon sourire d'honnête homme :
-- Tout vient à point à qui sait attendre.
M'a aussi amusé cette manchette : " La
France aux prises avec des prix de l'électricité négatifs". Même si le
gazetier ne s'étend pas sur le détail des transactions , j'ai cru comprendre
que lorsqu'un fournisseur vend de l'électricité à un client, c'est celui-ci (
peut-être EDF... ) qui reçoit des sous ( entre 40 et 200 euros par mégawatt/heure
) .Ce mécanisme ne s'étend pas jusqu'au client final ( vous, moi ) qui , lui,
constatera sur sa prochaine facture une
hausse des tarifs de l'électricité.
Je retourne auprès de M. le marquis
d'Argenson, que le Roi vient de nommer ministre des Affaires étrangères.
"30 octobre [1745, 4 mois après la bataille de Fontenoy].- J'ai trouvé en arrivant au ministère, notre royaume gouverné par une politique de cuistre. Nulle idée du grand; on avait horreur du juste; de la passion pour les soupçons, le penchant à la trahison, sous prétexte d'habilité.
RépondreSupprimerOn n'y savait autre chose que dénier justice au duc de Wurtemberg dans son procès des neuf seigneureries de Montbéliard, afin de le conserver par la crainte; payer mal le Danemark, afin de le garder par la peur de perdre ses deniers; faire mal la guerre, de peur de la finir trop tôt; frapper des coups lâches et mous aux Hollandais, pour éviter quelques pertes légères à nos marchands, etc."
Mémoires et journal inédit du marquis d'Argenson, tome II, Paris, P. Jannet, 1857, p.301