Alors que les dernières vaguelettes du plus
gigantesque raz-de-marée de propagande jamais engendré par l'empire du bien viennent mourir sur les pages de papier glacé des
mensuels (jusqu'au magazine de modèlisme ferroviaire Loco-Revue, avec un éditorial d'une exemplaire abjection), il est bon de se réfugier dans les siècles passés, et d'y reprendre la mesure de
toutes choses.
J'achève la lecture de l' Histoire universelle de Jacque-Auguste
de Thou , longtemps considéré comme "notre grand historien national",
dans la traduction française (l'auteur écrivait en latin) publiée en 1734 à
Londres (16 volumes in-4°). En fait , j'en suis au tome XV, ce qui signifie que
j'ai déjà lu aux alentours de onze mille pages de cette Histoire qui va de l'an 1550 à 1607 (et
continuée par un M. Rigault jusqu'en 1610).
Cette période est celle des guerres de religion , que Henri Davila, historien contemporain de de Thou,
appelle justement guerres civiles,
guerres civiles déclenchées au nom d'une foi
plus pure par les prétendus réformés.
Dieu, donc, guide leur glaive,
s'emparent-ils d'une ville, aussitôt ils se précipitent dans les églises, brisent autels, statues et
images, massacrent les prêtres, violent (et tuent) les religieuses, incendient
les édifices sacrés, quant aux habitants, ils sont bien souvent passés au fil de l'épée.
Dans ces guerres, qui ravagèrent toute
l'Europe, Espagne exceptée, quoique l'on y combattit contre les Morisques...,
durant un demi-siècle, la soif de pouvoir s'allie agréablement à la
revendication religieuse –si les Princes allemands adoptèrent avec enthousiasme
la confession d'Augsbourg, c'était aussi pour se défaire de la tutelle de
l'Empereur, si Charles de Suéde (protestant) se rebella son neveu le roi
Sigismond (catholique) au nom de la "liberté de conscience" c'était
aussi pour s'emparer de son trône (il y réussit), si les protestants flamands
prirent les armes contre les Espagnols catholiques, ce fut pour conquérir leur
indépendance et établir une République –etc., etc.
Même si la foi fut bien souvent une excuse,
ou un prétexte, pour les plus sanglantes usurpations, elle n'en était pas
moins, et les textes de l'époque ne mentent pas, authentique.
Je ne ferai pas ici, et il y faudrait des
milliers de pages, un bilan comparatif des massacres commis par l'un et l'autre
camp, l'un et l'autre bénis par ses pasteurs et ses prêtres.
D'autant qu'un tel bilan est à peu près
impossible à établir, les prétendus réformés ayant montré un génie de la
propagande que ne surent égaler les catholiques, et ceux-ci omirent de rédiger
l'équivalent du Martyrologue des
protestants.
C'est donc à un texte huguenot que
j'emprunterai quelques extraits des effets de la foi catholique en action.
Je trouve ce texte dans les Mémoires de la Ligue recueil de pièces
commencé à la fin du XVIème siècle par le huguenot Simon Goulart, augmenté considérablement
au fil des rééditions, et que je posséde dans sa version la plus complète ( A
Amsterdam, 1758, 6 vol. in-4°).
Il est intitulé Recueil des horribles carnages & massacres commis par les gens de
Guerre du Duc de Savoie le 22 avril 1590 (...) sur les pauvres paysans (...).
[Le duc de Savoie, catholique, espérait
alors s'emparer de la calviniste Genève, quant aux paysans qui se trouvaient
sur le passage de ses troupes, ils étaient supposés huguenots...).
"Au lieu de Collonges : furent
massacrés Michel Vachez & Pierre Rolland, & François d'Escorens,
auxquels on trouva les parties honteuses coupées et mises dans leurs bouches;
Rolet & Jenette sa femme, soixante ans, tués; Thoine, dix-huit
ans,résistant de tout son pouvoir à ceux qui la voulaient violée, tuée; trois
petits enfants de douze, neuf et six ans, assommés avec une coignée et laissés
morts au foïer, où les pères et mères les trouvérent morts;Françoise, quinze
ans, & Tevenne, 18 ans, violées et tuées;(...); Françoise Pariset, 25 ans,
noyée avec son enfant de six mois;
"A Croset : Gabriel de Chevri fut pendu
par les parties honteuses, & mourut en telle langueur; Perrette, âgée de
sept ans, fut tellement violée par les Soldats qu'elle en mourut."
Cette liste de meurtres, tortures, viols,
exercés en un seul canton, occupe une vingtaine de pages, j'y renvoie mon
lecteur, surtout celui qui s'imaginerait que nous sommes aujourd'hui en guerre.
Ce billet me conforte, si besoin était, dans l'idée que nos contemporains tendent à faire accoucher les souris de montagnes tout en ignorant les dangers que présente le volcan sur les pentes duquel ils se croient en sécurité. Mais il ne s'agit là que de métaphores.
RépondreSupprimerOn devrait davantage étudier l'histoire, je parle de la vraie. Pas de la reconstitution bisounourso-progressiste qu'on en fait aujourd'hui.
Pour étudier l'Histoire, il suffit d'aller lire les textes d'époque...
SupprimerCette Histoire universelle exigerait au moins la mise en place d'une cellule de soutien psychologique aux professeurs devant l'enseigner.
RépondreSupprimeret un dictionnaire de français classique (ou de latin de la Renaissance).
SupprimerVotre mise en perspective est d'un tel relativisme qu'elle ne dit rien de ce qui est aujourd'hui. Faire mine de se brûler aux cendres d'un brasier éteint depuis des siècles ne constitue pas une démonstration bien convaincante. G. M.
RépondreSupprimerCertes, toute mise en perspective, qui est un rappel du réel et du sens des mots, est bien inutile pour un commentateur anonyme.
SupprimerIl est piquant qu’un homme qui, ici même, se fait le chantre des libertés individuelles, demande à un lecteur de décliner son identités. Je ne pense pas que ma personne ou qualité soit ici d’une grande importance et il est regrettable que vous vous autorisiez de mon anonymat pour répondre avec dédain.
SupprimerVotre article serait donc, de manière indiscutable, un rappel du réel et du sens des mots. Il faudrait alors s’entendre sur le sens que vous donnez au vocable « réel ». Est-ce enfin une entité qui ne se trouve qu’au sein des livres d’Histoire et ne se conjugue qu’au passé ? Quant au sens des mots, permettez-moi de m’en remettre à Littré qui ne définit aucunement la guerre comme ayant trait à une seule question de quantité.
Cela dit sans animosité et avec respect pour votre belle plume et grande érudition.
Au contraire. L'anonymat n'est pas une liberté individuelle, c'est une pathologie.
SupprimerNous mettrons donc à jour notre précis de sémiologie des troubles psychiques !
SupprimerBillet fort utile bien que l'universalité d'une histoire en qui se déroule de 1550 à 1607 ne saute pas immédiatement aux yeux.
RépondreSupprimerCette Histoire est "universelle" car l'auteur traite autant des évènements du royaume de Fez que de la Pologne, l'Espagne etc., et ne se limite pas au royaume de France...
SupprimerDes crimes semblables -viols, meurtres et tortures- sont aujourd'hui commis en Syrie ou en Irak, parfois par de jeunes djihadistes français que des avions également français bombardent. Mais tout cela est loin, peut-être trop loin pour que nous puissions dire que nous sommes en guerre. Wait and see.
RépondreSupprimerde Thou (dont je n'ai parcouru que le premier tome) devrait effectivement être encore un modèle pour les historiens car son histoire n'est que l'histoire des faits. Et les faits aujourd'hui disent que nous ne faisons pas la guerre à ceux qui ont frappé sur notre sol. Nous les encourageons plutôt à faire la guerre à ceux qui à l'époque d'un de Thou auraient sans doute été nos alliés naturels (la Syrie, la Russie, la Perse...). M. Fabius n'a-t-il pas déclaré, il y a encore quelques mois que le front Al nosra faisait de "l'excellent boulot en Syrie". Au lieu de riposter contre Al-Qaïda au Yémen (qui a formé Kouachi), au minimum en soutenant les chiites et en renouant avec Téhéran, Hollande va faire des génuflexions à Ryad, et fait voguer le Charles-de-Gaulle vers le Califat islamique d'opérette dit Daesh alors qu'il n'a rien à voir là-dedans. Faire le guerre supposerait au moins de nommer nos ennemis au lieu de déclamer nébuleusement contre la nébuleuse "jihadiste" (mot incompréhensible en arabe où on ne connaît que des moudjahidins).
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