david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

samedi 5 avril 2014

Eternel roman



    De toutes les inepties solennelles professées, et radotées, par les critiques universitaires, l'une des plus plates, et donc des plus répandues, est " X. (Proust, Céline...) a, avec Y. ( La Recherche, le Voyage...) ouvert des voies nouvelles au roman".
    Eh non, X. (Proust, Céline, ou quelque autre génie) a ajouté un monument nouveau à la littérature – ce n'est pas la même chose.
    L'ouverture de voies suggére qu'est désormais tracé, balisé, un chemin où n'importe quel auteur va s'engouffrer pour écrire un texte dans la continuité de X., en profitant de ce que celui-ci a apporté d'original, ou de rupture avec des formes traditionnelles , mais l'oeuvre qui a surgi, solitaire, au-dessus de la masse est  non seulement irréductible à l'imitation, mais trop unique pour engendrer de dignes héritiers.
    Ce que fait cette oeuvre, c'est déplacer le regard non du lecteur mais du cuistre commentateur qui, de tout ce qui se publie, ne voudra plus voir que ce qu'il croit être né de l'existence (et de la gloire...) des œuvres de X., après lesquelles il ne serait "plus possible d'écrire comme avant", sans voir que, dans la vaste masse négligée, le roman continue d'être, en son immense majorité, ce qu'il avait toujours été –des personnages, et une intrigue.
    Roman dont le principe a été posé très anciennement, et correctement exploité dès Cervantès, et dont les essentielles possibilités créatives se trouvent pleinement utilisées au XVIIème siécle chez Sorel (Francion), Scarron (Le roman comique) , Furetière (Le roman bourgeois) et Mme de La Fayette (La princesse de Clèves)  -- du roman de mœurs au roman psychologique, tout y est, après, c'est affaire de talent, de grand talent, ou plus encore (rarement, mais alors, avec quel éclat!).
    Ce qui change au fil des siècles, c'est le milieu où vit l'auteur –la société, les mœurs --,ce  qui lui permet d'aborder différemment , plus directement, plus crûment, certains aspects de son histoire (et pousse sans doute à en celer d'autres).
    Quelques lectures ( sur Proust, hélas, pour qui les proustiens universitaires n'ont ni respect ni amour, et le Journal, inédit, d'un admirable écrivain) m'ont conduit à ces réflexions, elles sont hâtives, et je sais que pour les rendre défendables, il me faudrait plus les développer, montrer, exemples à l'appui, le déplacement de niveau du roman "distingué" ou dit "littéraire", et du roman-feuilleton, du roman de gare, du roman à l'eau de rose, il en ressortirait que ne change que le périmètre des catégories de la critique – mais les limites que j'impose à mes billets m'interdisent ici une telle étude, puis il fait beau, et je vais aller surveiller la pousse du muguet (qui est en avance).

2 commentaires:

  1. Intéressante, si partielle, réflexion. Une de plus !

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  2. Le problème, hélas, est qu'il y a autour de nous plus de cuistres que de cuisses.

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