Je reçois
ce matin Chroniques maritales et
Nouvelles chroniques maritales ( un volume, Paris, 1944) de Marcel
Jouhandeau., qui narre, avec le rythme d'un
journal, sa vie conjugale avec Elise, surnommée Caryathis, ancienne
danseuse que la galanterie semble avoir enrichie. Cette vie conjugale est une suite de querelles, dans lequelles le mari
succombe, et qui font de l'ouvrage un long récit d'humiliations, subies avec une
surprenante constance.
Paul
Léautaud a tenu au jour le jour le récit de sa liaison --de dix-neuf ans...-- avec Anne Cayssac ,
qu'il appelle le Fléau, c'est une
suite de querelles, d'injures, de rebuffades, que Léautaud rend. (Je suis dans
une grande période de lecture de Léautaud – quel bonheur!).
Marcel
Jouhandeau est un chrétien tourmenté et un pédéraste hésitant, Paul Léautaud
est un athée tranquille, et seul le corps d'une femme peut lui donner du
plaisir.
Jouhandeau
publie du vivant d'Elise les tableaux de leur intimité ( il le fera
annuellement à partir de 1956 avec ses
Journaliers...); mon exemplaire est orné d'un envoi à un M. Edward
Waterman qui se termine ainsi : "Croyez que Carya et moi nous sommes
heureux de vous savoir de nouveau près de nous sous l'aile blanche de notre
commun Père", ainsi Elise est-elle (religieusement..., elle aussi était
fort dévote) associée au livre qui dévoile ses secrets les plus déplaisants.
La plupart
des textes de Léautaud sur le Fléau sont posthumes, il en a publié quelques
extraits de leur vivant à tous deux, dans le Mercure ou dans Passe-Temps
(lisez Admiration amoureuse !), pour
faire rager sa maîtresse, et sans révéler son nom.
Jouhandeau
vit avec Elise comme un prisonnier enfermé dans un cachot avec le plus
haïssable compagnon, Léautaud prétend ne partager avec le Fléau que le goût
débridé du plaisir physique, et toutes ses phrases, de négation ou d'insulte,
révèlent une passion qui est bien plus que celle des corps.
Léautaud fut invité à déjeuner chez Jouhandeau, à peine était-il arrivé que devant lui Elise traita son mari d'idiot (etc. etc. ...), Léautaud n'invita pas Jouhandeau.
Jouhandeau
et Léautaud sont tous deux écrivains,
le premier fait de la littérature, appliquée, élégante, froide, le second écrit ce qu'il vit, nous le rend
présent, nous le fait partager. Jouhandeau, ce n'est que des mots et des
phrases – rien; Léautaud, c'est la vérité d'un homme.
*De Paul Léautaud sur Anne Cayssac, lire : Journal particulier (deux vol.,
Monte-Carlo,1956), Le Fléau (Paris,
1989) et, bien sûr, le Journal littéraire.
Sur le
scandale de l'indisponibilité actuelle de l'essentiel de l'œuvre de Léautaud et
de la non-publication –près de soixante après sa mort! – des innombrables
passages du Journal littéraire
censurés par Marie Dormoy, il me faudrait trouver le courage d'écrire un
billet.
Je crois me souvenir que, quand on demandait à Élise Jouhandeau ce qu'il y avait de vrai dans ce qu'écrivait sur elle son mari (avec qui, tout de même, je vous trouve bien sévère…), elle répondait fièrement : « Tout est vrai ! absolument tout ! »
RépondreSupprimerBien que plus indulgent que vous envers Jouhandeau, je suis d'accord pour placer Léautaud nettement au-dessus.
Mon appréciation sur Jouhandeau concerne le seul ouvrage cité ici.
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