Certains
nombres sont chargés d'une sorte de valeur symbolique, peut-être parce qu'ils
sont ronds, ou marquent un passage réussi, comme celui de la
dizaine à la centaine, ou encore montrent que la moitié d'un trajet a été
accompli, ou même les trois quarts, et ainsi émergent de la masse 10,100, 50,
75, d'où la célèbration de centenaires, cinquantenaires etc.
Mais 70?
Soixante-dix ne dit rien, ne marque rien, c'était donc là une bonne raison pour
que divers Messieurs et dames Etat allassent bâfrer et discourir pour le soixante-dixième anniversaire du débarquement en Normandie (D-Day pour
les intimes).
Ce
débarquement fut une opération de guerre et, comme toutes les opérations de
guerre dont la finalité est essentiellement meurtrière, provoqua un certain
nombre de décès parmi les combattants.
Et également
parmi ces non-combattants nommés civils,
pour qui les militaires ont peu de
considération.
Lors de ce
débarquement, et durant les jours qui
précédèrent et durant les jours qui suivirent, les Alliés
déversérent sur les villes de Normandie des dizaines milliers de tonnes de
bombes ( sept mille tonnes sur Caen en un seul jour –et cette ville fut
bombardée pendant trente-deux jours).
Ces
bombardements transformèrent les villes normandes en champs de ruine (y compris
les monuments-historiques qui n'étaient pas alors patrimoine de l'humanité) et tuérent des milliers de civils
--vingt mille selon certains
historiens, soixante mille selon
d'autres --, quant aux blessés et mutilés, personne n'a pris la peine de tenter
de les dénombrer.
Cerise sur
le gâteau, si j'ose dire, certains soldats des troupes libératrices
anglo-américaines considérèrent les femmes normandes comme un butin et les violèrent allègrement,
tuant parfois le mari ou père qui tentait de s'interposer. Quel fut le nombre
de ces viols? Impossible de le dire – mais la justice militaire alliée prononça
plusieurs centaines de condamnations (justement suivies de pendaison) envers
les coupables identifiés.
Ce sont là
des évènements qui ne me paraissent pas être matière à célébration, surtout de la part du peuple français (même si l'on
peut admirer, comme tout exploit, et en dehors de toute considération morale,
l'exploit militaire que fut ce débarquement).
Pour
justifier ce débarquement et les massacres qui l'accompagnèrent est invoquée la
nécessité ( forme distinguée de : on
ne fait pas d'omelette sans casser des œufs), mais était-il nécessaire de
débarquer en Normandie pour vaincre
les Allemands? Je n'en sais rien, et ne suis pas de ceux qui refont l'Histoire,
je constate seulement que cette nécessité
implique une culpabilité collective
qui rendrait moralement acceptable de
tuer des hommes et des femmes simplement parce qu'ils appartiennent à un peuple
vaincu, ou à vaincre, ou à libérer, et ont la malchance de se trouver at the wrong place at the wrong time,
exonérant ainsi de tout crime leurs meurtriers.
Cette
conception est contraire à toutes mes convictions, elle est donc communément
admise.
On ne saurait mieux dire !
RépondreSupprimerMerci, Jacques!
SupprimerEt je recommande chaudement la lecture de votre excellent billet "Jour J" (voir à droite pour l'adresse).
La nécessité de ce débarquement est remise en cause par un certain nombre d'historiens. De fait, à l'Est, l'armée russe était en passe de gagner la guerre (avec le soutien des bombardements anglo-américains, certes). Mais peut-être, justement, s'agissait-il de ne pas laisser Staline gagner seul…
RépondreSupprimerStaline réclamait l'ouverture du front occidental pour soulager ses armées qui approchaient de Prusse et entraient dans le dur.
SupprimerD'autres axes avaient été étudiés.
Mais l'état-major allié retint celui-ci, sans doute pour des raisons de sûreté logistique.
Sauf à être historien à titre gracieux, je ne crois pas que les Français aient à critiquer l'opération, eux qui ont mis tout le monde dans la merde en 39-40.
Votre position soutien sinon la culpabilité, du moins la responsabilité collective.
SupprimerCar il se peut que parmi les victimes normandes, ceretaines aient désapprouvé la conduite (et l'inaction) du gouvernement en 1939 -- ou même n'aient pas été nées alors...
Non, non. Je me suis mal exprimé, je parlais des "Français en responsabilité" soit à l'époque soit plus tard, qui furent très critiques ; on a beaucoup parlé du couloir danubien sans imaginer la logistique qu'il convoquait à son invasion.
SupprimerJe ne parlais pas des populations normandes qui après une dure occupation subirent la destruction de leurs villes.
Mon commentaire répondait à Didier Goux sur le calcul américain d'arriver à Berlin en même temps que Staline. La stratégie alliée fut débattue et ils tranchèrent comme on le sait. A noter que la conférence de cohérence de Téhéran (Churchill, Roosevelt, Staline) avait déjà eu lieu.
Après, il y a les plans d'exécution "à la guerre comme à la guerre" dont les résultats furent souvent amers.
Billet en harmonie avec le discours de Fr. Hollande. Bravo.
RépondreSupprimerCélestin
Il s'agissait d'une guerre du bien contre le mal. Dans ces conditions, tous les moyens étaient les bons. Héritage des guerres de religion et de la révolution française, le tout assaisonné de la force destructrice que procure le pétrole.
RépondreSupprimerVotre excellent billet s'inscrit parfaitement dans votre démarche iconoclaste, je ne suis donc pas surpris. Il peut déranger, il me séduit par sa justesse.
RépondreSupprimerMerci!
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