Une
lettre. Son auteur est professeur des
Universités , titulaire d'une chaire à la Faculté de ***. Il prépare un
ouvrage sur une affaire restée un angle
mort de l'historiographie , qui illustre des dynamiques et a provoqué un traumatisme. Familier des documents
de l'époque, il se targue de connaître le terrain
archivistique, et de pouvoir ainsi relire
l'évènement, bien sûr fondateur, et
qui a pu contribuer à fabriquer de la
métropolitée.
Pour ce projet, cet universitaire
est à la recherche d'un débouché
éditorial.
Il se peut que cet homme soit réellement
savant, et capable d'un travail digne d'estime , quoique... je connais assez
bien l'affaire en question, que sa dissimulation dans un angle mort n'a pas empêché d' être déjà étudiée, elle ne vaut pas
plus qu'un bon article de revue érudite.
Avouons-le,
la fréquentation presque exclusive d'auteurs adeptes de la clarté, de la
concision, de la précision (Voltaire, Stendhal, Léautaud... ), et peut-être
l'âge, qui peut aigrir, me rendent insupportable ce jargon issu des minauderies
de l'EHESS et devenu la langue vernaculaire d'une caste, jargon dont le seul
tour consiste à inventer une périphrase (qui semble introduire un concept, à défaut de toute notion) là où
un mot unique dit tout.
Je ne déboucherai
pas l'avenir éditorial de ce monsieur.
J'achéte, par bête manie de collectionneur,
une nouvelle édition des Œuvres complètes
de Madame de La Fayette (Paris, Pléiade,
2014), l'introduction, due à une
universitaire..., annonce qu'avant La Princesse de Clèves, Madame de La
Fayette publia des ouvrages narratifs
–écrire romans, comme furent désignés
ces textes au XVIIème siècle, eût certes été d'un bourgeois, d'un commun ! – et
s'intéressa non à l'Histoire, mais au matériau
historique, refermons vite le volume.
Me
passe sous les yeux un dossier d'affaire, j'y trouve une lettre dont l'auteur dirige (d'ailleurs avec talent) une
maison d'édition de bonne renommée, ce courrier se termine par : "j'attends votre retour". Est-ce à
dire que le destinataire est parti pour quelque île polynésienne? Eh non!
L'épistolière – titulaire d'un doctorat
de philosophie—a rêvé que retour est synonyme de réponse.
De ces niaiseries ignares et afféteries
prétentieuses, je pourrais chaque jour nourrir de forts volumes, regardons
plutôt le Dictionnaire néologique à
l'Usage des beaux Esprits du siècle (Amsterdam, 1768 --mon exemplaire, mais plusieurs éditions
antérieures) par un Avocat de Province [ en fait, l'abbé
Desfontaines-Guyot qui fut le maître de Fréron et entretint des relations
tumultueuses avec Voltaire, qui l'avait pourtant sauvé d'une accusation de
sodomie] dans lequel l'auteur, défenseur du bon langage, recense les mots
inutilement inventés, les impropriétés pédantes et les tournures vicieuses qui parsément les œuvres
de certains de ses contemporains.
Nil novi sub sole? Peut-être, mais je ne
m'en jure pas moins ce matin de ne plus lire un livre, ni une lettre..., écrite
depuis... disons un siècle , exceptant de cet ostracisme les billets de MM.
Didier Goux et Jacques Etienne, qui sont d'honnêtes
hommes.
*Grognons encore un peu. M'arrive une carte
d'un jeune impertinent, en âge d'être mon petit-fils, et fortement diplômé, qui
m'appelle Cher Michel Desgranges;
sans doute ses années de Fac ne lui ont-elles pas permis
d'apprendre l'existence du mot monsieur,
ni la plus simple politesse.
NB. Bien sûr, je continuerai également de lire les blogs recommandés, à droite, dans les "Nourritures spirituelles" et dont les auteurs sont d' honnêtes hommes; je ne les ai pas cités pour une raison saugrenue, que je ne révèlerai point.
NB. Bien sûr, je continuerai également de lire les blogs recommandés, à droite, dans les "Nourritures spirituelles" et dont les auteurs sont d' honnêtes hommes; je ne les ai pas cités pour une raison saugrenue, que je ne révèlerai point.
J'entends de jolis échos camusiens, dans ce billet !
RépondreSupprimerCela dit, ne vous plaignez pas trop de votre diplômé acnéique qui vous donne du "Cher Michel Desgranges" : sa lettre eût pu débuter, comme c'est de plus en plus souvent le cas par un "Bonjour Mr Desgranges" ou même par un simple "Bonjour !".
Ne serait-ce plutôt M. Camus qui serait, en ce domaine, desgrangien?
SupprimerLa question est en effet délicate…
RépondreSupprimerJ'avoue que vous m'avez diverti ! Comme quoi, en se voulant sérieux on peut atteindre l'inverse du résultat visé. Le jargon employé par les cadres commerciaux n'est pas mal non plus. Quand ma fille m'a demandé de traduire son CV en anglais, je me suis bien souvent vu contraint à lui demander d'abord une traduction en français des termes utilisés.
RépondreSupprimerles mots inutilement inventés, les impropriétés pédantes
RépondreSupprimerles mots inutilement inventés, les impropriétés pédantes
Oups !
RépondreSupprimerles mots inutilement inventés, les impropriétés pédantes
Voila.
Ces formules ridicules sont les pédanteries de ce siècle qui n'auront plus cours un jour.
Quant à la politesse elle est tombée en désuétude depuis longtemps.
...tombée avec la langue française, le beau, le goût etc. etc.
Supprimer"fabriquer de la métropolitée" ? kesako ?
RépondreSupprimerCeci dit, tout en respectant votre amour de la langue, ne trouvez-vous pas que vos "afféteries prétentieuses" ont justement quelque chose de... prétentieux ?
Autrement dit, ne risquez-vous pas de vous priver d'un certain nombre de lecteurs que ce genre de termes, un tantinet désuets, pourraient décourager ?
Moi j'aime bien quand on fait revivre un mot oublié.
SupprimerÇa m'enrichit.
Et ça évite au mot qu'il ne meurt.
Non, non, "afféteries prétentieuses" est ici nécessaire et suffisant, en un mot, idoine — à mon humble avis.
SupprimerMais puisque je commente sur la forme et non le contenu, oserai-je en profiter pour supplier M. Desgranges de régler une fois pour toutes la question des espaces avant virgule et parenthèses fermantes (n'en faut point, bien entendu) et de soumettre le bête traitement de texte à son vouloir et son savoir ?
Et puis-je espérer qu'il me pardonne cette demande au moment où ses textes, sous ce mineur aspect, s'améliorent de jour en jour ?
Merci.
SupprimerAu XVIIIème, espace aprés et avant tout signe de ponctuation.
Pour mes billets : au petit bonheur la chance , car je n'y prête aucune attention (ce que je ferai pour un livre, un vrai, imprimé...).
Voilà encore un billet qui impose le silence ! Néanmoins, pouvant faire partie des pédants acnéiques m'adressant aux blogueurs comme vous le dites (rien ne figure à ce sujet dans le Manuel de savoir-vivre à l'usage des rustres et des malpolis de Desproges, ni chez Nadine), je continuerai à vous lire.
RépondreSupprimerEt à commenter -)
Excellent billet, comme toujours lorsqu'il s'agit de décrire les travers contemporains. Entre la masse qui ne sait plus écrire et la prétendue élite qui écrit avec la myéline de son cerveau, la situation est fort triste pour les gens de goût.
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