J'emprunte aux Mémoires-Journaux de Pierre de L'Estoile (en en respectant
l'orthographe) le récit d'une mésaventure survenue à un magistrat parisien au mois de juin de l'an de grâce 1605.
"En ce mois, advint qu'un jeune
Conseiller de la Cour, de fort amoureuse manière, mais qui, pour se faire aimer
des dames, tenait une procédure un peu bien vilaine et bien orde, leur faisant
ordinairement monstre de ses pièces principales pour les mettre en rut et en
appétit, le voulant pratiquer à l'endroit d'une jeune et belle Dame des
fauxbourgs S.-Germain, vis-à-vis de laquelle il étoit logé, et lui faisant
monstre de sa marchandise par une fenestre qui respondoit droit à la sienne,
fust tiré d'une arbalète à jalet (*), dont le coup donna droit à la tête de son
katz (**) : ce qui l'offensa tellement qu'il en fut long-temps à la litière."
On fit aussitôt abondance de vers, que
L'Estoile qualifie de drolleries,
voici un quatrain extrait de la Requeste
présentée par la Damoiselle, femme du Conseiller, qui se prétendoit intéressée
en la principale pièce de son mari:
"Mesdames, c'est à vous à supporter ma
cause:
Ce vit, par charité, vous fera quelque
bien.
Si aviez
essaié que peult ce maistre Chose,
Pour le ressusciter vous n'espargneriez
rien!"
En l'an de misère républicaine 2014, il
arriva que le directeur d'une école laïque et citoyenne, eut, séant dans son
bureau, l'idée de se distraire de ses stressants
labeurs en regardant sur son ordinateur de fonction ces coquineries que diffuse
internet à l'usage des enfançons; ce spectacle l'émoustilla, et il commit le
péché d'Onan.
Las, il avait oublié que nul voilage ne
protégeait les fenêtres de son antre, et le malheur voulut que, de l'autre côté
de la rue, par une fenêtre qui répondait droit aux siennes, une sèche bigote
surprit le divertissement de l'imprudent fonctionnaire. Offusquée, et même
traumatisée, la dame s'empressa, selon la coutume du jour, d'aller porter
plainte à la maréchaussée. Vite appréhendé , et vite traîné devant d'austères
juges, le criminel fut tout aussi vite (en de telles affaires la Justice ne
lambine pas) condamné à une forte amende, quelques mois de prison (avec
sursis), et une obligation de soins --car, selon les principes les plus modernes, toute
conduite dite délictueuse est désormais assimilée à une maladie.
Un acte qui, jadis, ne faisait qu'inspirer
les poètes expose aujourd'hui son auteur aux peines les plus infâmantes (et
d'esprit totalitaire) – mais les Droits
de l'Homme sont passés par là.
PS- Sur le même sujet, on relira avec profit
l'excellent Article 330 de mon cher
Courteline.
(*) : "qui tire des balles & de gros
traists appelés matras" (Dictionnaire
de Trévoux).
(**)
ce mot signifie vit; orthographié de
diverses manières, il est fréquent au XVIe siécle, puis disparaît peu à peu.
Le plus triste est qu'il n'y aura bientôt plus personne pour s'offusquer d'une telle condamnation.
RépondreSupprimerRessuscitons Courteline (ou lisons-le).
SupprimerCourteline, voilà le grand absent de nos manuels de littérature. Le Molière obligatoire ne fait même plus sourire nos élèves (ils ne l'entendent pas). Du Courteline serait bien plus édifiant et surtout plus drôle.
SupprimerQue voulez-vous, depuis que la république s'est avisée de soumettre la possession d'armes diverses à une préalable autorisation de ses services, ces dames ne peuvent plus empoigner une arbalète pour châtier derechef ceux qui offensent la pudeur.
RépondreSupprimerEn fait, ces deux affaires sont trés différentes.
SupprimerL'acte du magistrat de 1605 est très volontaire, et il y a exhibitionnisme conscient.
Le fonctionnaire de 2014 a été surpris à son insu : il n'y a là aucun exhibitionnisme.
Et c'est l'absence d'intention délictueuse qui a été punie.
(le Conseiller a été, lui, châtié par la Providence...).
Pour ce pauvre conseiller ce n'est pas de l'exhibitionnisme, c'est de la vente directe ! Il met en vitrine, en montre, ce qu'il offre. C'est une démarche libérale et honnête. Le défenseur des frontières, l'utilisateur de l'arbalète à jalet, devait être un syndicaliste ayant peur de la concurrence.
SupprimerQuant à l'onaniste qui vous dit que ce n'est pas la même jalousie qui de la fen^tre en face et n'ayant pas d'arbalète sous la main, a été quérir les archers à défaut de pouvoir mettre la main sur les "pièces principales" ?
La marché vous dis-je !
C. Monge
Ce Monsieur Monge est un digne disciple de Bastiat.
SupprimerPour le soigner, façon Orange mécanique, je suggèrerais qu'on lui passe en boucle alors que ses yeux seront maintenus ouverts par quelque dispositif mécanique, les interventions de Mme la Garde des Sceaux à l'assemblée nationale. Cela devrait le guérir de toute envie de regarder des femmes sur un écran, quelles que soient leur tenue et leurs occupations. Mais peut-être est-ce trop cruel ?
RépondreSupprimerRegardait-il des femmes? Ou des hommes? Ou des rhinocéros s'acquittant du devoir conjugal?
SupprimerLes journaux ne précisent pas.
Vous faites bien de souligner le côté péremptoire de mes suppositions ! Décidément, je suis un passéiste.
SupprimerEh oui -- et méchante car envieuse.
RépondreSupprimerVotre billet n'est pas sans me rappeler le comportement de mon voisin qui non seulement n a jamais daigné mettre de rideaux à la fenêtre de sa salle de bain mais qui en plus chaque matin me provoque en montrant son cul ! ( authentique )
RépondreSupprimerEt jamais ses "pièces principales"?
SupprimerCourteline à l'école réjouirait les élèves et leur apprendrait au passage l'art et le plaisir d'écrire et de parler en bon français.
RépondreSupprimerAttention, en ses jours de disette ,tout est bon pour racketter le gogo naïf . ;-)
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