david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

mercredi 14 janvier 2015

Charlie : much ado about nothing

   

   Il se trouve cette année en France selon l'INSEE, service de M. Etat, soixante-six millions d'habitants.
    Il y a quelques jours, ces soixante-six millions d'êtres humains furent appelés par les plus hautes autorités et leurs porte-voix subventionnés à marcher en troupeau, dans les plus modestes hameaux ou les plus fières mégalopoles.
   Cette marche, à la fois une par son esprit et diverse par les chaussées parcourues, se déroula donc  --restait à dénombrer le total des vaillants participants.
    Des chiffres circulèrent, je les arrondirai avec générosité à l'unité supérieure, et écrirai ici que ces marcheurs furent cinq millions.
    Cinq millions sur soixante-six millions..., un rapide calcul permet d'observer qu'il manqua, à cette marche, soixante-et-un millions de marcheurs potentiels (et médiatiquement convoqués).
   Certes, l'honnêteté suggére de déduire de cette clientèle potentielle les bipèdes qui ne sont pas en état de marcher, tels que nouveau-nés, femmes grosses prêtes à vêler, vieillards perclus de goutte, cul-de-jattes, agonisants et comateux, sourds qui n'ont pas entendu les appels, etc., estimons ces divers zhandicapés à un symétrique cinq millions, voilà notre potentiel réduit à soixante-et-un millions, dont nous allons ôter nos cinq millions de fiers marcheurs, et apparaît la cruelle réalité comptable : cinquante-six millions de citoyens (et citoyennes, et transgenres) n'ont pas marché.
    Comment expliquer cette surprenante, et très-massive,  indifférence?
    Jetons un coup d'œil sur une gazette parue ce matin et devenue le nouveau Journal officiel de la République , gazette qui se nomme Charlie (hebdo).
    A sa Une, au-dessus d'un joli portrait de M. Mahomet, cette gazette (et je ne doute pas que les survivants aient été inspirés par les esprits des morts) proclame :
     "Tout est pardonné!".
      Le pardon n'abolit pas seulement l'atroce vengeance, l'acide rancune ou l'humble ressentiment, il entraîne nécessairement –et c'est même une condition de sa sincérité—l'oubli des injures (ou des balles) reçues, ainsi efface-t-il jusqu'au souvenir de l'évènement qui en fut la cause.
    Puis-je émettre l'hypothése que les cinquante-six millions de non-marcheurs (valides) eurent le pressentiment de cette éradication et préférérent vaquer à leurs routines dominicales plutôt qu'user leurs souliers pour une affaire bien vite rayée de toutes les mémoires?
    Cette hypothèse exonère cette multitude du péché d'insensibilité, et nous évite de remettre en question le dogme de la bonté de l'Homme.

   PS. J'ai emprunté le titre de ce billet à M. Shakespeare.

6 commentaires:

  1. J'aurais bien du mal à ne pas vous approuver totalement !

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    1. Je ne suis pas toujours critique : j'approuve ce commentaire.

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  3. Très estimé Monsieur Desgranges :
    Vous écrivez, dans votre liste des personnes n'étant pas venues à la manifestation, qu'il manquait les "sourds qui n'ont pas entendu les appels". En fait les sourds ont eu droit à l'explication de l'attentat en langue des signes :
    https://www.youtube.com/watch?v=5xWNfTiWmsY
    Donc s'ils ne sont pas venus ce n'est peut-être pas à cause de leur surdité mais par manque de "Charlie attitude"...
    Très bon billet sorti de votre plume, très lucide : il ne faut pas remettre en question le dogme de la bonté de l'Homme, surtout pas au "Bisounounourstan"...

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    1. Merci, Madame.

      Et pour les aveugles, quelle images?

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    2. Monsieur Desgranges
      La doxa du "vivre ensemble" et la "Charlie attitude" s'imposent à tout le monde, même les aveugles !
      http://vivrefm.com/infos/lire/2411/les-caricatures-de-charlie-hebdo-audio-decrites-pour-les-lecteurs-aveugles

      Donc, à moins d'être un ermite inuit misanthrope et sans famille isolé sur sa banquise, sans internet et ne voulant plus recevoir aucune nouvelle de l'humanité, nul ne peut échapper à "Charlie"...

      (De vous à moi l'ermite inuit a bien de la chance.)

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