david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

lundi 20 octobre 2014

In your ass



   Le doux bruit médiatique qui a accompagné le dépôt d'un sex toy géant, et d'un plaisant vert écolo, sur le pavé de la place Vendôme à Paris a sans doute été provoqué par les chargés de communication du fabricant de l'objet afin d'en masquer l'absolue absence d'originalité, car il n'y a rien, dans cette installation, qui n'ait déjà été perpétré naguére dans les jardins du Palais-Royal ou du château de Versailles, et dont on ne peut oublier que le principe a été théorisé, il y a près d'un siècle,  par Marcel Duchamp en affirmant que son coquet urinoir était une œuvre d'art.
  Je recevais avant-hier le Figaro Histoire, estimable revue que dirige avec audace et talent M. Michel de Jaeghere, c'est un numéro essentiellement consacré aux Borgias, et dont les pages s'ornent de nombreuses reproductions de tableaux  et de sculptures dus à des artistes de la Renaissance.
  En vieux réactionnaire, j'ai trouvé quelque différence de nature entre les peintures de Michel-Ange ou Raphaël et le gode anal érigé au côté de la fameuse colonne avec le concours, le soutien, et l'enthousiaste approbation, des industriels du luxe, dont les boutiques étalent sur cette même place, à destination de touristes asiatiques, les plus pures merveilles du goût français (swiss made pour les montres, mais ceci est une autre histoire).
   Tout a déjà été dit, et fort bien, sur l'imposture du prétendu art contemporain (et je recommande l'excellent petit livre de Tom Wolfe Le mot peint qui en débusque les raisons du succés) sans que cela ait le moindre effet.
   Rien n'est plus normal.
   Dans une société dont les citoyens tremblent de frayeur au seul prononcé du nom du virus Ebola (ou de la grippe aviaire, ou du tabagisme passif) et à l'idée de la prochaine invasion des landes bretonnes par l' Etat islamique, il va de soi que le sens que les mots sont supposés signifier a été expulsé de tout discours, et qu'aucune réalité n'est plus exprimée par quelque vocable que ce soit.
   Il n'y a désormais plus de domaine qui échappe à l'illusion, il est, pour un temps, plaisant d'y vivre, et quand elle se dissipera,  plus dure sera la chute.

5 commentaires:

  1. Un petit livre de Tom Wolfe, cela paraît suspect, c'est toujours au moins 600-700 pages chez Tom Wolfe. J'ai lu un roman de Tom Wolfe qui s'appelle Bloody Miami, récemment. On a toujours l'impression que Tom Wolfe écrit plus ou moins le même bouquin, mais c'est une autre histoire. Donc dans Bloody Miami, il y a une longue description de la fameuse Art Basel de Miami, grande foire...j'imagine que dans cette scène il recycle sa thèse de Le mot peint ( que je n'ai pas lu) et c'est mot pour mot la bouffonnerie à laquelle on a assisté avec ce week end.

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    1. En fait, il s'agit d'un long article paru dans le New Yorker.
      Il faut lire aussi son livre sur, et contre, le Bauhaus --trad. frse aux BL sous le (mauvais) titre : Il court, il court le Bauhaus.

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  2. La plus belle illusion du moment est tout de même de nous faire prendre un plug anal pour une oeuvre d'art, non ?

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  3. Piqué à l'ami René Claude de POUR 15 MINUTES D'AMOUR, ce bref extrait du texte de Jean Clair intitulé « L'ordure » tiré de son livre « Les derniers jours » :

    « Ce monde d'aujourd'hui, si obsessionnel de la propreté, si obsédé par l'hygiène, si soucieux des fragrances les plus rares, serait bientôt le monde où la puanteur fécale et cadavérique devenait le signe de la distinction des esthètes et des amateurs.
    (...)
    C'est bien le sens dont « l'art contemporain » se fait gloire. De Piero Manzoni à Serrano et à son verre de pisse dans lequel trempe un crucifix, l'excrémentiel a étendu son empire jusqu'à recouvrir l'homme et sa production la plus haute. la régrassion continue dans l'ordre sexuel, la démarche de l'art à exhiber des pulsions les plus archaïques jusqu'à confondre l'amour et la destruction, pour offrir finalement des déchets, serait le destin de la création d'aujourd'hui, l'image que l'homme voudrait, à tout prix du marché, retenir de lui-même. »

    Jean Clair, « Les derniers jours », Gallimard, 2013.

    René Claude conclut ainsi son billet « L'art, l'or et la m... » du vendredi 14 mars 2014 :

    « Le philosophe le confirme de façon étincelante : de l'urinoir de Duchamp au crucifix dans la pisse de Serrano, le fondement ( ! ) de l'art contemporain post-conceptuel, c'est pipi-caca. »

    Il me semblait opportun de le reproduire chez vous Michel Desgranges, en rapport direct avec votre billet intitulé : « In your ass ».

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    1. Le défaut, l'erreur, de telles analyses est de sembler prendre au sérieux, et charger de lourdes intentions, ce qui n'est que puériles débilités.

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