david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

jeudi 20 mars 2014

Pourquoi savoir lire et écrire?



   Vient d'être traduit en français, et d'arriver at home,  Oralité et écriture ( Paris, 2014), ouvrage classique du jésuite américain Walter J. Ong ( 1912-2003) publié en 1982 en anglais sous le titre  Orality and literacy (que l'éditeur français omet d'indiquer, peut-être parce que literacy ne signifie pas exactement écriture...).
  C'est là un ouvrage que je n'ai pas envie de lire, que je n'ai pas lu et ne lirai pas, me contentant de le feuilleter, et de parcourir les préface et postface dans lesquelles un M. John Hartley a enserré Walter J. Ong.
   Celui-ci est un homme extrêmement savant – l'étendue de ses connaissances est prodigieuse-- , dont la pensée semble d'une belle acuité, mais qui, en strict universitaire, ne peut rédiger un paragraphe sans citer ou commenter (approuver, désapprouver, examiner, critiquer) quelque collègue contemporain ou auteur d'un passé plus ou moins lointain, c'est là une façon de faire qui a cessé de me divertir, et je me suis accordé sans remords le droit de m'en détourner.
   Aborder l'oralité et l' écriture conduit naturellement à évaluer les positions respectives (je n'ose écrire : hiérarchie ) des peuples sans écriture ( ou sauvages, ou primitifs ) et des peuples la maîtrisant (ou : civilisés , et il n'est pas de civilisation sans écriture (c'est pour cette raison qu'il n'existe pas de civilisation gauloise...)), il me semble que Walter J. Ong tendrait à ne pas mettre au même niveau ces deux ensembles de populations, alors que se répandait déjà (dans les universités prestigieuses...) le dogme de la quasi-supériorité des littératures orales, et même de borborygmes prononcés à haute voix (et recueillis par des ethno-socio-anthropologues).
   Eloignons-nous de Walter J. Ong, car le discuter me contraindrait à le lire, passons même sur les mérites, réels ou supposés de cette littérature orale (j'avais été frappé par la beautè de poèmes peuls recueillis par des Européens dans  Berger des mots, publié dans la collection des Classiques africains), arrêtons-nous au simple lire et écrire.
   Des individus pétris de bonnes intentions, et qui étaient des lettrés, ont répandu l'idée qu'il était nécessaire au bien de tout être humain de savoir lire et écrire, projetant ainsi sur autrui leurs propres nécessités.
   Je vis dans une société d'hommes et de femmes pour qui lire et écrire est aussi indispensable que respirer, il en est de même pour toute une classe d'invidus que l'on peut appeler mutatis mutandis clercs, mais... qu'en est-il du reste de l'humanité ?
   Même si l'on remet à un examen ultérieur ce que l'on entend par lire (ce n'est pas la même chose qu'être capable de lire un touitt et de lire la Poliorcétique d'Enée le tacticien) et écrire (ce n'est pas la même chose que de tracer phonétiquement un graffiti et rédiger un commentaire de Leibnitz),  quel besoin l'homme ordinaire (non-clerc) a-t-il dans la vraie vie, cette vie unique qui est la sienne, de savoir lire et écrire?
  Et en admettant que tout humain ait ce besoin, à quel degré? Combien de jours se passent-ils sans que ce X et ce Y écrivent la moindre ligne? Et même en lisent une?
   Vouloir l'universalité de l'alphabétisation (ce à quoi je fus longtemps favorable sans restriction, ni doute) ne revient-il pas à vouloir faire de nos semblables d'autres nous-mêmes, avec les mêmes goûts, les mêmes intérêts, et les mêmes capacités ?
  Mon sentiment me pousse à cette universalité, ma raison commence à y renâcler.

11 commentaires:

  1. Cher Michel, vouloir l'universalité de l'alphabétisation revient-il à souhaiter faire de vos semblables d'autres vous-même, ou alors à souhaiter partager avec vos semblables les (ou au moins quelques) outils du dialogue et de la pensée ? Qu'en pensent votre sentiment et votre raison ?

    Il me semble que le partage de la parole (communion, chez les cathos) est un bon outil de l'entente.

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    1. On peut partager la parole avec des analphabètes, et ne pas y arriver avec des universitaires.
      Mais c'est un sujet que je peux ni argumenter, ni développer en un court billet -- qui ne fait que poser une question.

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  2. C'est pourtant bien pratique de pouvoir écrire/lire la liste des commisions.

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  3. Ces listes ne peuvent-elles se donner verbalement par téléphone, comme cela se voit dans les hypermarchés?

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    1. Certes, mais pour téléphoner, il faut connaître les chiffres, ce qui est un embryon de "litteracy"...

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    2. Et les téléphones que l'on commande à la voix?

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    3. Ils impliquent de connaître les chiffres en les distinguant entre eux.

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    4. Ils impliquent de connaître les chiffres en les distinguant entre eux.

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    5. Ils impliquent de connaître les chiffres en les distinguant entre eux.

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  4. J'avais écrit un premier message où je m'interrogeais, à votre suite, sur l'utilité d'apprendre à parler si c'est pour se taire ou dire des conneries, mais le fond de ma pensée est le suivant : seule l'ignorance est dommageable, pas la connaissance (à l'inverse de ce qui est dit dans l'Ecclésiaste 1:18). Pour paraphraser Gandhi : même si ce que tu sais ne sert à rien, apprends-le. De toute façon, nous avons peu de chances d'arriver aux limites de notre mémoire.

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    1. Savoir lire n'empêche pas d'être ignorant -- regardez autour de vous.

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