david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

dimanche 5 janvier 2014

Gai, gai, marions-nous! (Et divorçons)



   Par monts et par vaux, nous entendîmes hier crier les orfraies, lugubres gémissements dénonçant l'horreur d'une nouvelle abomination annonciatrice d'apocalypses dévastatrices, d'ébranlement des remparts de la morale et de sape des principes les plus sacrés.
    Pour utiliser une cheville rhétorique dont Marcel Proust emprunta l'usage à Honoré de Balzac : voici pourquoi.
    Une noire dame ministresse, pour se distraire du chagrin d'amour qu'elle venait de confier à la presse du cœur (subventionnée), fit annoncer une ébauche de projet que, même si tremble ma plume, je ne cèlerai point : il serait permis aux couples désunis ( soit : mari-femme, mari-mari, femme-femme, je ne sais si je suis exhaustif) de divorcer par simple déclaration devant un greffier ( l'officier de justice, non l'argotique félin).
     Ce qui est, s'indignent les pleureuses, une nouvelle atteinte portée à l'institution du mariage.
    Jetons un œil à cette institution.
    Pour les adeptes d'un certain nombre de religions, dont les fidéles de la foi catholique, apostolique et romaine, le mariage est un sacrement béni par leur Dieu, et ce que Dieu a uni, l'homme ne peut le défaire.
    Mais le mariage a aussi (avait...), hors de toute croyance, une fonction sociale : il sert à fonder une famille.
     Pendant des siècles et des siècles, et des millénaires, et sur tous les continents, la famille, dirigée par la pater familias, avait pour finalité d'accroître, grandement ou modestement, la richesse et la puissance de ses membres, pour cette raison, le mariage d'un gaçon ou d'une fille parvenu à l'âge nubile était décidé en fonction de l'accroissement de fortune que pouvait apporter un futur époux ou une future épouse, il pouvait arriver qu'un mariage d'inclination s'accordât avec le mariage de raison, c'était là une préoccupation mineure, et  si une inclination s'opposait à la raison, la famille y mettait le holà.
   Cette coutume ancrée dans les mœurs, qui demandait quelque persévérance car bien souvent c'était les arrière-petits enfants qui recueillaient le bénéfice des sacrifices de leurs aïeux, fut pratiquée, avec plus ou moins de bonheur, dans toutes les couches sociales; pour un exemple de réussite éclatante (mais nous en connaissons des dizaines de milliers) , citons les Colbert et Le Tellier (Louvois) qui marièrent leurs filles à des ducs-pairs : en trois générations, ces familles s'étaient élevées de la roture à la plus haute noblesse d'épée.
   L'effet nécessaire et voulu de cette conception de la famille fondée sur un mariage alors indissoluble (sauf annulation en cours de Rome ou, civilement, séparation de corps qui répartissait les biens sans briser l'union) était de créer et d'augmenter les inégalités dues à la naissance, il va donc de soi que la Révolution s'empressa, au nom de la déesse Egalité, de voter des lois pour détruire mariage et famille.
   J'ai déjà dit les retours en arrière que connut le XIXème siécle ( on peut citer la création du majorat sous la Restauration, qui fut une espèce de droît d'aînesse...), je n'y reviendrai pas.
   Pour être bref, vers l'an 2000, nous voyons en ex-Gaule subsister un mariage , assorti d'un grand nombre de lois pour annihiler la force inégalitaire de l'héritage ( parts réservataires, impôts sur les successions, etc.), qui n'est plus qu'un contrat civil.
   Que, pendant des décennies, la violence des lois s'opposât à la dissolution de ce contrat par ceux-la mêmes qui l'avaient librement consenti fut une extravagante aberration,  nous n'en sommes heureusement plus là.
   Comment peut être terminé ce contrat? Celui-ci, comme tout contrat, crée des obligations pour chaque partie, si l'une y a failli , l'autre peut en demander la résolution – c'est le divorce pour faute, et il est juste qu'alors un juge doive trancher--, si les deux parties sont d'accord pour rompre (divorce par consentement mutuel), seule une survivance malvenue d'un passé récent peut commander l'intervention d'un juge alors qu'une simple déclaration devant un officier ministériel  (présence nécessaire pour que le divorce soit opposable aux tiers), greffier ou notaire, suffirait amplement.
   Certes, même s'il n'est plus qu'un acte juridique civil, le mariage conserve des temps révolus une valeur symbolique – c'est pourquoi les messieurs-dames et dames-messieurs homosexuels en réclamèrent le droit alors que le "pacs" leur accordait déjà tout ce que l'on peut désirer sur le plan légal—et le mot même demeure étrangement sacré pour une population religieuse et traditionnaliste, à qui je rappellerai que cette union civile ne relève en rien de leurs croyances,  foi,  convictions, et que les modalités de son établissement et de sa dissolution n'ont pas à tenir compte de ces croyances, foi et conviction.
   Et quitte à me faire lyncher par mes propres lecteurs et lectrices, je n'hésite pas à écrire que je trouve le projet de la dame noire et ministresse excellent – aussi sera-t-il très certainement abandonné.

17 commentaires:

  1. je me permettrais deux remarques:

    Vous dites que les homosexuels ont réclamé le "droit " au mariage, il eut fallu écrire: les lobbies homosexuels et les progressistes (non majoritairement homosexuels) ont poussé la Socialie a légiférer sur le sujet.

    Le PACS n'accordait pas aux couples homosexuels tout ce qu'ils souhaitaient sur le plan légal avec par exemple les pensions de reversion aujourd'hui acquises

    Bon dimanche et encore une fois, une excellent année 2014

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    1. Vous avez entièrement raison-- j'aurais dû préciser : "les lobbies"...
      Mea culpa.

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  2. Tout à fait d'accord. J'ai, dans un (magistral) billet (http://vudescollines.blogspot.fr/2013/01/pour-en-finir-avec-le-mariage.html), plaidé, voici bientôt un an, pour la suppression pure et simple du mariage civil, laissant l'engagement formel et traditionnel aux religions et son remplacement par un simple contrat d'association (ce qu'il est devenu de fait). Le passage à la mairie n'arrivant même pas à atteindre le statut de pâle copie "républicaine" d'une cérémonie.

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    1. Je ne suis pas d'accord sur cette notion de contrat d'association "privé". Il y a toujours un tiers qui s'invite, et c'est la Société ! Qu'on appelle ça l'Etat, la communauté ou une "cérémonie", il y a bien un aspect de l'union qui s'adresse également à la société, ne serait-ce que l'information du changement de situation personnelle, ou - dans notre Etat solidaire - si ce n'est le droit aux avantages indus...

      Amike.

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    2. Pour l'information des tiers, j'ai bien écrit que le recours à un officier ministériel était nécessaire -- mais je ne vais pas faire ici tout un cours de droit.

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  3. Entièrement d'accord avec ce billet. Même si ça me surprend de me trouver en harmonie avec une grosse dame noire.

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    1. Dites M. Goux, elle est sinistre votre nouvelle mise en page de blog.
      Vous ne pourriez pas au minimum changer ce gris cafardeux ?

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  4. Bah oui ce n'est plus qu'un simple contrat... Et puis les enfants sont classés dans les biens meubles ? s'il y'en a en nombre impair, on le vend ou on le coupe en deux ?
    Et pour la personne qui se retrouve dans la merde parce qu'elle s'occupait des enfants et/ou du foyer eh ben elle avait qu'à écouter Belkacine et bosser comme tout le monde...
    Mais si on considère le mariage civil déconnecté du religieux, pourquoi imposer l'un pour avoir l'autre ?

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    1. L'obligation d'un mariage civil préalablement au mariage religieux est une loi scélérate, et les prêtres ne montrent pas un grand courage en s'y soumettant.

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    2. Bah voyons, c'est la faute des prêtres bien sûr... Désolé mais c'est encore une façon de culpabiliser les victimes et de renverser la charge de la preuve si je puis dire. Et pour en revenir aux enfants, qu'en fait on en cas de divorce ? Vous croyez vraiment que lorsque l'on divorce par consentement mutuel c'est qu'il n'y a aucun pb à régler ?

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  5. Ma foi ça m'en touche une sans faire bouger l'autre ce projet de loi.
    Et la dame noire et ministresse ne peut pas trouver tous les jours une idée propre à changer, selon ses mots concernant le mariage homosexuel, de civilisation.

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  6. Pour éviter le divorce, supprimons le mariage. Un simple formulaire adressé à la mairie du lieu de résidence pour mise à jour des fichiers Fisc et NSA et roule ma poule.
    Pour la séparation, pareil. Un formulaire avec commentaire libre, par exemple: "répudiée la pute" ou "Quitté ce con", mais on peut faire plus tendre. Quant aux gosses en face du § prévu à cet effet : "loulou reste avec moi, le chat et titine vont avec elle". En cas de rejet des gosses, on pourra cocher la case - enfants disponibles à l'adoption pour LGBT-
    Brave new world.
    Une idée comme ça, quand on sait d'où elle vient, il faut en priorité s'en méfier.
    Le Page.

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    1. Exact. La déjudiciarisation du divorce est la conséquence logique de la désinstitutionalisation du mariage. La famille, cellule subversive, doit être écrasée. L'individu et l'entreprise privée sont étouffés. Après les boeufs et les veaux, voici venue l'ère des Français fourmis. Et hop !

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  7. Je suis entièrement d'accord avec vous. Beaucoup de monde à droite mélange allègrement le mariage religieux et le mariage civil, que ce soit par conviction religieuse (une façon de maintenir par la bande un peu de religion dans cette république sans dieu) ou pour affecter de sacraliser le mariage civil (ce qui n'empêchait personne de divorcer ou de plaquer son conjoint) et pour se laisser aller à un peu d'homophobie.
    En revanche, le consentement mutuel doit être apprécié par quelqu'un pour éviter toute contrainte de la part d'un des conjoints, le partage des biens doit être fait ou estimé par une personne impartiale et le sort des enfants réglé de la même façon.

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    1. Selon votre raisonnement, il faudrait faire intervenir un juge pour toute rupture amiable de contrat...

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  8. Donc les lobbies homosexuels voulaient se marier afin de pouvoir divorcer pour remplir les poches des avocats et de Monsieur Etat, c'est touchant l'abnégation à ce stade.

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  9. Quand on a connu, comme je l'ai fait, les juges (toujours femmes dans mon cas) aux affaires matrimoniales, figés dans leurs a priori idéologiques, on ne peut qu'être d'accord (pour une fois) avec Mme Taubira sur ce projet!

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