david in winter

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Editeur. Ecrivain. Dilettante

lundi 7 octobre 2013

Nouvel éloge des discriminations



  Il existe des milliers et des milliers de livres que j'aurais pu ou pourrais lire ( ou des films que je pourrais voir, des disques que je pourrais écouter... ) , que je n'ai pas lus, que je ne lirai jamais, que j'ai repoussés par l'idée que je m'en fais, c'est-à-dire un préjugé , lequel est un péché contre l'esprit, mais péché nécessaire  - le temps, cette denrée inéluctablement limitée (sauf pour les immortels) , m'imposant par sa rareté même de choisir sans connaître, sans savoir véritablement.
  Pour les livres, je me fie à des indices, la réputation de l'auteur, le souvenir d'un ouvrage précédent lu avec ennui ou bonheur, le sujet, l'opinion d'une personne de confiance , indices que je peux trouver de mauvais conseil si, sur leur foi, j'ai cédé à lire des pages que je juge exécrables, ou s'ils m'ont fait rejeter une œuvre dont, l'ouvrant plus tard par je ne sais quelle impulsion, je me délecte en rageant de ne pas l'avoir lue plus tôt.
  Et les humains ? Une première rencontre avec un homme ou une femme fait naître en nous, le plus souvent de l'indifférence, parfois de la sympathie, parfois de l'antipathie, sentiments qui tiennent en bien des cas à l'idée a priori que nous nous faisions de cette personne, par ce que nous en avions entendu dire, et qu'un rien trompeur peut conforter, sans qu'il soit exclu que nous nous donnions le plaisir rebelle de la juger contraire à l'image qui nous en avait été donnée, non pour les qualités ou les défauts qu'elle aurait brièvement laissé paraître,  mais pour le plaisir d'une réévaluation qui a le mérite de nous faire croire à nos propres yeux plus perspicaces qu'autrui, et heureusement dépourvus de préjugés.
  Il arrive que quelque hasard nous fasse rencontrer et nous entretenir avec un être humain sur qui nous n'avons rigoureusement aucune information , et alors nous pouvons croire que l'impression que nous nous formons est de la plus grande pureté, n'étant entachée de nulle rumeur préalable, en oubliant que les circonstances de la rencontre,  son lieu même, peuvent suffire à nous rendre favorable ( ou défavorable) à l'inconnu  -- si vous nouez conversation avec le client d'une bouquinerie familière, c'est parce que vous pensez que, par sa présence en cette échoppe, il partage vos goûts , si vous êtes confronté à un argousin qui vous a traîné de force dans une geôle, à cet homme dont pourtant nulle relation ne vous a dit de mal, vous serez peu enclin à accorder d'emblée votre affection.
  A chaque instant de notre vie, nous sommes contraints de faire des choix, et ces choix nous engagent, car il en découlera des joies, des pertes de temps ou d'argent, des souffrances, des malheurs, des satisfactions ( et que, dans les sociétés actuelles, une flopée de lois sociales cherchent à préserver les citoyens des conséquences de leurs choix est un autre sujet, fort bien traité par les auteurs qui ont démasqué et pourfendu  la déresponsabilisation des individus , déresponsabilisation qui ne poura pourtant jamais être totale, j'espère y revenir).
   Ainsi, choses ou gens, nous discriminons, et comme cette discrimination est essentielle à la nature humaine, les politiciens ont édicté des lois pour lutter contre.
   Comme toute législation constructiviste, ces lois se paraient de bonnes intentions  -- aider des êtres humains victimes de préjugés – et contenaient une mauvaise intention – abolir la liberté de choix d'autres individus.
   J'ai, dans un précédent billet, examinés les conséquences perverses, sur le seul point de l'embauche, de ces lois,  je souhaite éviter, malgré mon grand âge, de trop rabacher, aussi, ce matin, je tiens seulement à rappeler  ce que dissimule ce discours dominant dont la seule fonction est de vouloir abolir la réalité : que les discriminations ne sont ni bonnes ni mauvaises dans le sens moral, et ici inapproprié, de ces mots, que si elles peuvent être bonnes ou mauvaises ce le sera seulement dans le sens que leur résultat sera bon ou mauvais pour l'individu qui a discriminé, ce dont celui-ci est seul juge.
  Les discriminations, il faut sans cesse le répéter, sont dans la nature de l'homme ( et de l'animal ) et en faisant de la lutte-contre-les-discriminations l'un de leurs impératifs très-catégoriques, en  cherchant chaque jour à en augmenter le champ de la prohibition, c'est cette nature même de l'homme que les politiciens de tous bords veulent modifier, en attendant de l'abolir pour régner sur de serviles protozoaires, après avoir détruit toute identité, toute différence – toute individualité .
  Il serait curieux qu'ils y parvinssent.

7 commentaires:

  1. je ne comprends pas bien " en faisant fait "

    "Il serait curieux qu'ils y parvinssent ", je trouve qu'hélas, ils ne s'en sortent pas si mal.

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  2. En réécrivant cette phrase j'ai, honte à moi!, oublié de supprimer cet antérieur "fait" devenu inutile ( et même, là, plus que superflu) , je corrige... merci, Corto !

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  3. Je commence à en avoir un peu assez de me répéter, mais je trouve ce billet parfait.

    Il faudrait aussi écrire un Éloge du préjugé, un de ces jours…

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    1. Merci, mais c'est trop d'indulgence ( ou l'effet du pastis ?).

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    2. Je suis sobre comme un chameau salafiste !

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  4. C'est chose faite :

    http://aristideter.blogspot.fr/2012/06/eloge-du-prejuge.html

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    1. Je suis né trop vieux dans un monde trop tard, c'est mon drame…

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