Qu'ai-je lu, en cette aube printanière et dominicale
?
Dans son Journal, M. Renaud Camus confie qu'il
vient d'être convoqué, pour ce lundi, à une gendarmerie voisine. Il ne sait
pourquoi, mais dans un pays où a été abolie toute liberté d'expression, et où
tout propos dissident peut expédier aux galères son auteur, sans doute ses amis
doivent-ils se préparer à lui envoyer des oranges.
Dans Forum opéra, un articulet abject contre
Mme Anna Netrebko, coupable d'avoir rappelé certaines vérités contraires aux
glapissements des hyènes féministes. Il est insinué que la diva devrait cesser
de parler, c'est là le préliminaire d'une future interdiction de chanter.(Forum opéra a été créé par un M. Sylvain
Fort qui a délaissé l'art lyrique pour se consacrer à l'écriture des discours
de M. Macron).
Dans L'Incorrect, un excellent article de
M. Frédéric Rouvillois sur Charles Maurras, dont un recueil de textes paraît ces
jours-ci dans la collection Bouquins.
Il y a
environ un demi-siècle, je m'étonnais auprès d'un homme que j'aimais beaucoup,
et qui avait été, durant la guerre, un proche collaborateur de Maurras, que ce
dernier n'eût pas fermé L'Action
française quand les Allemands envahirent la zone libre, consentant ainsi ,
lui, si férocement germanophobe, si vigoureusement opposé aux nazis, à publier son journal sous la botte d'un ennemi
qu'il haïssait.
--Parce que
Maurras, me répondit mon ami, ne pouvait imaginer de vivre sans écrire son
article quotidien.
C'est ainsi
qu'en cédant à sa graphomanie, Maurras permit que fut jetée aux enfers l'oeuvre de toue sa vie.
J'ai aussi
des lectures plus sérieuses.
Ainsi, en
rez-de-chaussée du Journal des Débats
du 26 mai 1844, le feuilleton de l'admirable écrivain que fut mon cher Hector
Berlioz, qui, rendant compte d'un concert
historique où furent jouées des oeuvres de vieux maîtres (Lully, Rameau,
Haendel etc.), écrit à propos des "tristes compositions de Couperin"
:
"Oh!
la drôle de musique que celle des clavecinistes du bon vieux temps! Cela
tapote, clapote, jabotte; on se demande pourquoi les notes montent, pourquoi
elles descendent, ce que signifie tout ce mouvement sans chaleur, cette
agitation inanimée; que veut l'auteur? que sent-il? que pense-t-il? Il ne sent
rien, il ne pense rien; il veut seulement remplir son papier de notes qui ne
s'accordent que pour assommer tout doucement l'auditeur, et le tour est fait.
"Plus
tard, deux cents ans après, viennent des hommes qui se fourrent dans la tête
que cela est charmant, admirable, et essaient de le faire croire au public, qui
croit, pour un instant, tout ce qu'on veut."
Comment
mieux juger cette vogue, aujourd'hui tyrannique, du baroque
?
*Précision
en forme de post-scriptum. Lire M. Renaud Camus me divertit grandement,
d'autant plus que son grand remplacement
me paraît une hallucination assez bêtasse , et que je désapprouve à peu près
tout ce qu'il édicte, mais qu'est-ce que défendre la liberté d'expression si ce n'est défendre les auteurs dont la
pensée vous répugne ou déplaît?